Encore un p’tit coup de biniou ?

Nous adressons toutes nos pensées à notre copinaute Fortuna, et nous espérons que ce post, longtemps reporté, n’ajoutera pas à la solitude et au chagrin.

 

– « Encore un p’tit coup de biniou ? », demande le Général Croquette à la canette

Quelques semaines plus tôt, la canette était au même endroit, dans cette même position devenue banale de l’échographie endo-vaginale, la pmette allant à l’échographie comme la pépette va au bac à shampoing, en parlant de la pluie et du beau temps.

Son fidèle Général Croquette lui avait indiqué qu’elle était bonne pour le service, après avoir passé plusieurs semaines dans son stage commando en vue de l’opération « transfert ». Au programme, hystéroscopie, échographie endo-vaginale pour mesurer l’étendue de l’adénomyose, un petit kyste débusqué dans l’histoire, puis une  session ménopause artificielle avant de voir, soulagée, que ce foutu kyste n’avait pas résisté aux vaillants assauts de toute la troupe des médecins qui s’affairent autour de l’utérus de la canette. Et puis bien sûr, cette foutue thyroïde qui fait toujours des siennes, mais le réseau du Général Croquette en a maté plus d’une. Un petit dopant levothyrox, et en route pour la bataille.

Est ainsi arrivé le grand départ vers Brno, en famille cette fois. Intense émotion de revenir sur les lieux qui étaient hier emplis d’espoir, cet espoir fou qui est devenu réalité. Les canards se pincent chaque jour d’avoir eu autant de chance dans leur vie. Nous revoici d’abord à Prague, nous revoici sur le Pont Charles, tous les trois cette fois, nous revoici dans ses rues qui nous étaient devenues familières, nous revoici dans cette petite pizzeria où nous avions pris nos habitudes, à force de tentatives, avec notre caneton sous le bras prêt à démonter le restaurant. Et nous osons cette fois acheter des jouets en bois pour notre caneton, en souvenir de ce voyage au pays des graines à bébé, qui sera sans doute le dernier avant quelques temps.

 

Lors du transfert de notre dernier embryon, la canette a préféré être seule dans la salle d’examen, notre caneton n’ayant pas à vivre le toboggan émotionnel que représente chaque tentative. Nous le lui avons donc pas parlé de l’idée d’un petit frère ou d’une petite sœur, qui nous paraît encore si lointaine. Il nous a toutefois accompagné à la clinique, et on lui a montré les photos de l’équipe médicale, en lui expliquant que c’est grâce à eux que nous avons la chance d’être réuni tous les trois. Est arrivé le grand moment : la canette a vu sur grand écran la petite bulle, avant qu’elle ne démarre son propre voyage. Au même moment, la canette entendait dans le couloir son petit caneton faire le zouave avec son père, et c’est dans cette position incongrue qu’est la position d’examen gynécologique que la canette s’est dit que la vie était décidément incroyable. Puis petite bulle s’est logée au chaud. La canette lui a juste soufflé ces quelques mots, lors du repos allongé et solitaire qui suit le transfert : « Petite bulle, on n’allait tout de même pas te laisser toute seule dans ce grand froid ! Allez, à toi de jouer maintenant, nous on est prêt à t’accueillir, tu sais on te fera de la place, et je peux te dire que tu as un grand frère en or. Enfin, bref, si j’étais toi, je m’accrocherais. Bon, de toute façon, c’est toi qui décide. Ou le destin. Ou le Bon Dieu. Enfin bref, fais comme tu veux et comme tu peux, ma petite bulle. Et maintenant, comme dirait le Général Croquette : bonne chance  ».

 

Les jours ont passé, la canette a repris son activité, presque comme si de rien n’était. Certains vont en week-end à la neige, d’autres font des escapades dans des cliniques tchèques, c’est comme ça. On décide de ne pas se mettre la pression, de maintenir nos déjeuners du dimanche entre copains, de ne pas anticiper un résultat négatif qui nous mettrait au fond du trou. Car au fond, l’essentiel est là : notre caneton est aujourd’hui en forme, et il nous comble de joie. Mais tout de même, on n’y échappe pas : sonne l’heure de la fameuse prise de sang. Attente devant l’écran, à guetter un résultat. 117. C’est bon ça ? Les canards ont perdu l’habitude. Ils comparent avec les résultats obtenus pour petit caneton, et cela leur semble un taux faible. Moment de tristesse, de doute. Ils écrivent au général Croquette pour communiquer le résultat et avoir la suite du programme. Et là, un samedi après-midi, le général Croquette leur répond que le taux est bon, et qu’on recommence lundi. Lundi, même attente, même doute. Résultat : 303. Canards heureux, mais canards toujours anxieux de la suite. Trop marqués, sans doute, par leur parcours. Alors wait and see. Arrive le mercredi, nouveau taux : 907.  Soulagement chez les canards.

 

Quelques semaines plus tard, la Canette attend dans la salle d’attente du général Croquette pour la 1ère échographie de contrôle, celle que l’on attend et que l’on redoute. Dans la salle d’attente, elle croise les autres patientes du nouveau cabinet du Général Croquette qui n’accueille pas que des pmettes. Il y a de la femme enceinte, de la jeune mère allaitante avec son bébé dans la poussette. La canette se dit qu’elle aurait très mal vécu tout cela il y a quelques années, mais que pour avoir le coaching du général Croquette, elle aurait sans doute surmonté ces moments. D’ailleurs là voilà :

– « Mme Canette ? » annonce le général Croquette.

« Oui, j’arrive ». 

Traversée du couloir vers le QG du Général, jambes en guimauve, coeur qui bat. Monsieur Canard est coincé dans un train qui a deux heures de retard, c’est donc seule que la canette fait face au destin. Elle lui racontera qu’elle a eu le temps d’aller brûler un cierge à Notre-Dame, histoire de garder les bonnes habitudes. Vu le nombre d’accidents évités de justesse par caneton cascadeur, une petite protection divine n’est jamais de trop.

La canette se met en position échographie endo-vaginale. Moment de silence. Puis le sourire du Général Croquette.

Je vous mets le son ?

Oh ben oui, volontiers.

Un battement de cœur raisonne dans la salle d’examen. Un cœur qui bat presque aussi vite que celui de la Canette en ce moment suspendu.

Le général Croquette procède à l’inspection des lieux, constate qu’il y a dû y avoir un petit décollement histoire que l’on ne s’ennuie pas, et annonce à la cannette qu’il va falloir se ménager. Pas le moment de partir au ski, des fois que l’idée nous vienne.

Puis elle demande à la Canette si elle souhaite réécouter le battement du cœur, mais avec cette poésie qui la caractérise :

Bon, je vous remets un p’tit coup de biniou ?

Oh ben oui alors. Cette fois, on n’aura pas à réanimer Monsieur Canard, il aura les clichés souvenirs en lots de consolation. A la Brasserie Courcelles, quelques minutes plus tard, il les regardera avec émotion, sans trop y croire. D’ailleurs les canards ont bien du mal à croire à toute cette histoire, trop belle pout être vraie. Et ils savent mieux que quiconque combien la route est longue et parsemée d’embuches, qu’un placenta praevia pourrait bien gâcher la fête comme la dernière fois, même s’ils ont eu l’immense chance que la fête se termine bien, en avance, certes, mais bien.

Alors depuis, la canette surveille son slip. Et elle écoute volontiers un petit coup de biniou à la sauce Ibrahim Maalouf, pour rester en mode positive attitude, en pensant au Général Croquette.

 

 

PS: les canards ne sont plus très assidus sur la blogo faute de temps et aussi parce qu’ils ont décidé de ne pas parler de leur vie de famille sur ce blog. On sait combien la lecture est difficile pour tous ceux qui attendent sur le quai. On se demandait même s’il fallait vraiment raconter nos aventures, si cela intéresse encore quelqu’un. Ils espèrent retrouver l’inspiration pmesque pour vous divertir, ce qui est l’objet essentiel d’icsi pari.